Ikebukuro city,
06h34____Ryan abattit un poing bien lourd sur son téléphone portable en grognant afin qu’il stoppe ce réveil insupportable. Quelques rayons de soleil chatouillaient son visage encore endormi.
Il fallait aller en cours aujourd’hui mais le jeune homme n’en avait fichtrement aucune envie. Rien que d’y penser dès le réveil, cela le mettait de mauvais poil. Même sa fidèle mèche ne s’agitait pas, elle restait molle et sans aucune énergie. Torse nu, sa peau collait un peu. A en juger les sueurs, il avait du faire un cauchemar… Mais il ne s’en souvenait pas. D’ailleurs, il ne voulait pas s’en rappeler. Il parvint à s’extirper de ses draps et se dirigea directement à la salle de bain pour se débarbouiller. Habillé, coiffé – là, sa mèche allait déjà mieux – il attrapa une pomme, sa guitare et son cartable.
« Holy shit, I forgot my book… » se souvint-il sur le chemin du lycée.
____Tant pis, de toute manière il détestait les mathématiques. (Il n’avait pas perdu cette habitude de parler anglais, cela lui revenait naturellement presque). Et de toute façon, il y avait toujours une demoiselle à ses pieds pour lui venir en aide. Soupir. C’était pratique mais lourd sur les bords.
____En effet, Ryan avait un succès fou auprès de la gente féminine japonaise. Il avait beau être banal – brun aux yeux sombres – il avait ce « truc » qui plaisait aux gens. Malgré qu’il soit du genre solitaire, dès qu’il commençait à gratter les cordes de sa guitare, il avait toujours son petit comité dans la cour ou les couloirs. Cela lui permettait de se sentir moins seul… Les filles n’avaient d’yeux que pour lui lorsqu’il chantait une ballade. Leur préférée se nommait « I can’t wait ». L’histoire était simple : un jeune homme amoureux qui ne pouvait pas attendre de faire de sa petite-amie son épouse, qui ne la laisserait jamais partir, à qui il promet le monde. Celle-là, il l’avait composée sur un coup de tête. Ainsi, lorsque sa voix résonnait en harmonie avec sa guitare – Cherry qu’il l’avait appelée – pour ses groupies, elles se taisaient toutes. Il n’est pas faux que Ryan appréciait d’avoir des admiratrices. Du moment qu’elles n’allaient pas jusqu’à le suivre jusque chez lui. Mais bon…
____Arrivé devant le portail de l’Académie, une averse s’abattit sur le brun ainsi que sur la foule d’élèves qui débarquait. Cartable au-dessus de la tête, ils fuyaient tous vers le préau. Ryan, lui, réussit à se frayer un chemin parmi le troupeau de nippons et préféra faire un petit détour. Il crut entendre la voix d’Emi se faire étouffer par la foule en l’appelant mais n’en releva point. Il la verrait plus tard. Ou pas.
____La cloche n’allait pas tarder à sonner. Merde, il n’aura pas le temps de faire son petit tour habituel. Pourquoi s’était-il attardé devant ce fichu magasin de photographie ?! Sûrement à cause du portrait du père de son ex-petite-amie qui l’avait interpelé. Tss… Le passé, toujours le passé qui le rattrape et le fait chuter ! Tant pis pour les maths, il sèchera la première heure. Alors pour se changer les idées, il alla s’isoler dans les escaliers qui menaient au toit de l’établissement, s’assit sur une des marches puis sortit un vieux cahier. Bic en main, il griffonna quelques phrases sur les lignes bleues et essaya de les associer avec quelques accords. Mais cela était sans compter sur un surveillant qui rodait dans les parages. Ryan rangea de suite sa guitare et ne fit plus aucun mouvement, plus aucun son. Heureusement pour lui, il ne se fit pas repérer. Ouf !
____Bon, cela se fera sans guitare pour l’instant.
____Et pendant qu’il laissait son esprit de compositeur voguer à travers ses idées brillantes, le professeur de Mathématiques inscrivit « Ryan Davis » dans la colonne des absents.
____La prochaine heure avait approchée à une vitesse hallucinante, il avait réussi à composer une chanson d’au moins 2minutes. Dès que la cloche retentit, il s’empressa de ranger ses affaires et de traverser le bâtiment à une vitesse fulgurante. Il bouscula quelques personnes et s’excusa à peine tant il était pressé. Pourquoi fallait-il que les cours d’anglais soient à l’autre bout de ce putain de lycée ?!
____Les maths il s’en foutait bien, mais l’anglais non ! Surtout pas la mégère qu’il avait comme enseignante. Ca, jamais !
____Rah, et comme par hasard, le couloir était bondé de monde…
Il ne perdit pas une seule seconde et emprunta les escaliers pour passer par l’étage du dessus. Il déboucha donc sur le coin « musique » de cette aile du bâtiment. Son coin préféré soit dit en passant. Soudain, il se heurta à une demoiselle violemment.
« Urgh… » grommela Ryan en se frottant le torse.
____Le choc avait été brutal mais il en restait persuadé que c’était elle qui avait eu le plus mal.
« D-Désolée ! »____Derechef, elle s’inclina.
Sa voix l’avait tiré de son mal. Ses yeux lui prouvèrent qu’il ne rêvait pas.
C’était elle.
C’était Billie.
C’était elle…
…qui lui était rentrée dedans ?! Elle n’avait donc pas changé !
____Ryan se mit à la regarder avec insistance. Il n’y comprenait rien – tellement qu’il oublia de s’excuser lui aussi. Comment ?
La blondinette ne tarda pas à avoir la même réaction, ils restèrent donc plantés là à se fixer l’un l’autre. Dans le blanc des yeux. Puis, elle brisa le petit blanc qui s’était installé entre eux même si Ryan respirait fort du fait qu’il a sprinté comme un taré jusqu’ici.
« Ryan… » souffla-t-elle.
« Yeah. Me ? »What the hell she is doing here ?!
____Il ne paraissait pas spécialement en colère, bien sûr. Juste surpris, étonné, choqué. Prenez-le comme vous l’entendrez, en tout cas, il ne pouvait pas y croire.