____Malinka n’avait pas le moral aujourd’hui.
Assise sur le rebord de la fontaine de l’Ikebukuro Park, Malinka broyait du noir.
Ce matin…____Dès que les premiers rayons de soleil effleurèrent sa peau laiteuse, elle ouvrit les yeux très difficilement avant de découvrir la ruelle dans laquelle elle avait passée la nuit. Ses bras refusaient de bouger, des milliers de fourmis allaient et venait dans ses muscles parce qu’ils lui avaient servis d’oreiller. Tout son corps lui faisait mal à vrai dire.
Sa tête, son cou, son dos, ses jambes, ses pieds…
____Chacun de ses membres souffraient encore d’une nuit pénible et sacrément risquée.
En vérité, si elle avait échoué ici, c’est en partie à cause d’un groupe de Blue Squares. Ils l’avaient pourchassée durant plus d’une heure dans Ikebukuro. La jeune fille avait fuit dans toute la ville qu’elle parcouru en long et en large ! Histoire de ne pas servir d’objet sexuel ou de vente ; on la recherchait toujours, eh oui. Heureusement pour elle, elle avait pu leur échapper en se cachant à temps derrière une ben à ordures.
Plusieurs heures auparavant…____Le souffle court, le cœur cognant vivement dans la poitrine, la peur au ventre sans oublier une cheville foulée et recroquevillée derrière l’objet imposant, Malinka pleurait en faisant le moins de bruits possibles. Mais les malfaiteurs se rapprochèrent alors elle plaqua soudainement ses mains sur sa bouche, tremblante de toute part.
« Laisse tomber, on l’a perdue… » maugréa un jeune.
« Fais chier ! » cracha le leader, furax d’avoir perdu sa délicieuse proie. « On aurait pu se faire au moins 20 000 Yens avec cette fille ! »
« J’aurais bien aimé m’amuser un peu avec avant… » songea un autre à haute voix.
« La ferme, elle est trop mignonne pour toi. » reprit le leader du groupe de carrés bleus.
« Attends, tu peux répéter c’que t’as dit à l’instant ? Mignonne ? Tu te fous de nous ? » éclata le premier. De rire.
« Je l’aurais plaquée contre un mur, puis j’aurais méchamment arraché ses fringues en la bouffant des yeux… La boucle de ma ceinture aurait sautée et puis… Rien que d’y penser, argh. » ajouta le leader.
____Malinka était dégoûtée que l’on parle d’elle de cette façon. Ils en riaient. Tandis qu’elle bouillait de l’intérieur, qu’elle avait mal à cause de leurs paroles déplacées à son égard. Elle aurait voulu leur sauter à la gorge et les déchiqueter jusqu’à la moelle mais à un contre trois…
Frustrée, elle préféra se faire la plus petite possible jusqu’à ce qu’ils s’en aillent.
____La nuit tomba très vite. Plusieurs heures s’étaient écoulées mais Malinka n’avait pas bougé. Son pied la faisait souffrir, son ventre gargouillait monstrueusement ; elle avait terriblement soif aussi – et froid – mais rien n’y faisait, elle ne voulait pas sortir de sa cachette. La peur planait encore au-dessus d’elle, comme le fantôme de la mort. Ensuite, elle s’endormit par épuisement.
Aujourd’hui…____Elle n’en pouvait plus d’une telle vie. C’était trop dur pour une demoiselle aussi fragile qu’elle.
Depuis son enfance, elle savait qu’elle n’aurait jamais bénéficié d’une vie extraordinaire comme dans ces films hollywoodiens… Mais une vie tranquille, pourquoi n’y avait-elle pas droit ?
Son salaire n’était pas tombé, elle ne pourrait pas payer l’hôtel ce soir. Ni à manger, d’ailleurs. La jeune fille voulu craquer ; cette attitude de « fantôme dans la ville » n’avait de cesse de la tourmenter. Elle se sentait si … seule.
I am nowhere…
____En relevant la tête, elle remarqua quelqu’un qui promenait un chien. Ce dernier paraissait beaucoup plus jeune que son maître. Elle céda donc sa place et fit un tour sur Sunshine Street toute l’après-midi.
____Vers 18h, elle errait toujours, mais la fatigue la tenait solidement. Des vertiges la secouaient sans prévenir. Qu’est-ce qu’elle avait faim, bon dieu ! Il fallait qu’elle se pose quelque part, au moins pour reposer ses pieds. Postée à un passage piéton, elle fut engloutie par une horde de lycéens qui sortaient tout droit de l’Académie Raira. Bizarrement, elle avait cru entendre son prénom. Foutaises, c’était son ventre qui la faisait délirer.
Sauf qu’elle avait tort…
Aussi vif que l’éclair, un jeune homme blond apparut sous ses yeux, le sourire aux lèvres.
Ah, Natori…
Son blond…
____Evidemment, elle ne disait pas « son blond » à tout le monde. C’était un titre qu’elle gardait secrètement pour le jeune garçon. Malinka le salua un peu rapidement, encore surprise de le voir.
« Où vas-tu comme ça ? » lui demanda son ami et collègue de travail.
____Pourquoi maintenant ?! Elle n’était pas dans son meilleur état, pourquoi fallait-il qu’elle le croise maintenant ? Bien que le fait de voir son blond ne la gênait pas du tout (au contraire), celui d’avoir une tête de zombie lui faisait froid dans les dos. Elle allait sûrement le dégoûter ou bien l’inquiéter…
Mais malgré ça, Natori gardait le sourire et qu’est-ce qu’il était beau gosse.
« Je… Je sais pas. » avoua la jeune serveuse en baissant les yeux.
____A peine eut-elle répondu au jeune homme qu’il se retrouva par terre. Outrée, elle grogna une insulte à celui qui avait bousculé son ami puis se pencha pour l’aider à se relever avec le peu de force qu’elle avait.
« Quel malpoli, il ne s’est même pas excusé… » soupira le blondinet.
____Inquiète, Malinka tenait encore son bras – comme pour se rassurer – puis le lâcha.
« Tu sais que si tu ne peux plus payer le loyer du motel, tu peux venir chez moi ! En tant que coll…amie, c’est normal. »« C’est gentil, Natori… » murmura la fugitive.
____Malinka aimait bien également Natori. Ce garçon regorgeait d’énergie, il avait toujours le sourire. Grâce à lui, elle pouvait imaginer que le monde était moins rude… Ils échangèrent encore quelques mots jusqu’à ce qu’il s’en aille précipitamment.
Cela fendit légèrement le cœur sensible de la jeune fille. Pendant qu’il s’éloignait, l’air insouciant, elle l’avait accroché des yeux avec une seule pensée en tête :
« Reviens, s’il te plaît… »____Clouée au sol, elle restait plantée là, à le regarder. Et puis, comme s’il l’avait entendue…
Il revint immédiatement sur ses pas :
« Tiens, aujourd’hui je t’invite à manger chez moi. Ca te va ? »____…Sauvée.
« Oui, ça me va très bien. Merci… » répondit-elle en lui offrant un sourire fragile.
____Si elle ne s’accrochait pas à quelque chose, elle allait flancher, clair et net.
A ce moment-là, elle remerciait Dieu d’avoir pu rencontrer Natori ici-même. Elle ressentait l’urgence de le remercier, de se nourrir, de le remercier à nouveau et de se reposer.