Aujourd'hui, séchage de cours. Comme ça, sur un coup de tête. Pas de bonne humeur, je suppose.
Enfin, de toute façon, c'est pas grave, c’est pas comme si j’avais des parents pour me taper sur les doigts…
Raaah, voilà, c’est ce que je disais. Je suis en train de me faire une grosse déprime toute seule. Comme si j’avais que ça à faire de me lamenter sur mon sort. N’importe quoi. Et je m’engueule toute seule, aussi. De mieux en mieux. Il faut croire que cette ville a un moins bon effet sur moi que ce que j’aurais cru.

Bon, ça sert à rien de rester comme ça, les nerfs en pelote. Je suis sûre que si quelqu’un me voyait en ce moment, il pourrait sentir les ondes négatives qui émanent de moi. Si on était dans une BD, j’aurais sûrement un espèce de petit nuage noir au dessus de la tête, avec une petit averse rien que pour moi… Oh, la, la, ça s’arrange pas… Le délire solitaire, maintenant. Faut vraiment que je fasse quelque chose.
Heureusement que à cette heure, et à cet endroit du parc, l’endroit est désert. Le seul truc qui puisse peut-être me redonner le moral, c’est la musique.

Ignorant royalement le panneau « Interdit de marcher sur les pelouses », je m’engage d’un pas rageur sur l’herbe. Et vlan, tout à coup, collision avec le sol.

Bordel, mais quel est le crétin qui a placé une espèce de petit fil d’acier juste devant la pelouse ! C’est un danger public, le gars ! Et puis, ça sert à quoi ? Bon, sûrement à empêcher les gens comme moi de piétiner leur précieuse herbe. Mais qu’est ce qu’on en a à foutre, de l’herbe ! Et puis, ils pourraient au moins mettre un panneau pour prévenir ! « Attention, fil vicieux ». C’est trop demander ?

Je me relève, en mode colère +++, et, en écrasant le plus possible l’herbe, je marche jusqu’à un arbre quelques mètres plus loi, et me laisse tomber à son pied en soupirant.
Maintenant, zeeeeen. Ecoute le cui-cui des oiseaux accompagné du doux murmure du vent, et ca-lme-toi.
Après quelques inspirations-expirations, je me relève et attrape mon étui à violon, histoire de commencer la deuxième phase de relaxation.

Tout en sortant mon instrument, je réfléchis à ce que je vais bien pouvoir jouer. Un truc calme. Tiens, le Piano Trio de Schubert, ça serait pas mal. A part que c’est un duo piano-violon. Mais, no problem, la musique est un des seuls domaines où je suis prévoyante. J’ai enregistré sur mon portable la partie piano seule, pour pouvoir jouer n’importe quand. Allez, hop, c’est parti !

Piano Trio, de Schubert

Ah, la musique, il n’y a que ça de vrai… Tiens, des bruits de pas… Qui s’arrêtent… Juste derrière moi. Bon, c’est vrai qu’une fille toute seule avec son violon, ça a de quoi attirer l’attention, mais je suis quand même dans le coin le plus paumé du parc. Je n’aurais jamais cru que quelqu’un viendrait jusqu’ici.

Tant pis. Je ne vais pas arrêter de jouer pour autant.

Visiblement, la personne n’a pas l’intention de bouger. C’est un peu dérangeant, quand même. Bon, j’arrive à la fin du morceau, on va pouvoir s’expliquer.
Une fois la dernière note aspirée par le silence (oui, je sais, mes expressions poétiques sont à vomir), je me retourne calmement et, avec le sourire, je demande :

- Bonjour, je peux faire quelque chose pour vous ?

Sous-entendu « ou alors vous m’écoutez depuis tout à l’heure juste pour le fun ? ». Pas très sympa, je sais. Mais ma mauvaise humeur na pas encore tout à fait disparu, donc voilà.